Voyez ce vanneau aller, la coquille sur la tête!

La dernière Reine de Corée

J’ai croisé dans un jardin, j’ai croisé ouvrez les guillemets, la dernière Reine de Corée. Elle se promenait avec ses suivantes dans un jardin anglais.
J’étais bougon dans le bus trop chauffé, les cheveux lavés encore figés de glace; pour une fois une place assise, bien calé contre la vitre, le bus brinquebalait, et soudain c’était plein de couleurs, c’était à nouveau de ces chutes quand le sommeil sans avertir nous gobe entier comme enfant.

Deux suivantes l’encadraient. Elle s’est avancée, sans paraître le chercher, venant un peu de biais - elle s’est approchée, la dernière Reine de Corée, sans même bouger les pieds.
Elle avait la peau blanche, blanche, blanche et le seul fard qui sied. Sous l’ombrelle sans ombre, les mains glissées dans les manches d’un beau peignoir rouge qui en bas s’évasait, caressant sans bruit l’herbe et les graviers.

Elle devait être magicienne, elle devait savoir jusqu’au prénom des nuages qui là-haut cabriolaient. Elle regardait à hauteur d’homme, d’un regard calme, imperturbé, un regard calme de majesté. Qui la croisait, soudain tremblait à voir que dans ses yeux on y était.
Qui la croisait aurait voulu reculer, s’enterrer plutôt que devant elle apparaître, rustre, sale, grossier, barbare. Elle amenait sans y songer air et lumière à qui jamais d’attention n’y avait prêté. Elle était la délicate, l’éphémère, la Princesse d’Asie du dernier des contes de fées.
Un sort terrible l’attendait dans quelque temps de ça, que chacun devinait. C’était voile de notre tristesse qu’on apposait à son visage de nacre. C’était pitié et déchirement. Il ne fallait que se jeter. Je vous donne mon nom, ma fortune, ma famille, mes jours. Faites de moi vrille, crochet, un nouveau fil de corde tressée. Prenez. Jusqu’à la fin, je ne demanderai rien, pas même de vous revoir. Aux jours sombres, au moment de fermer les yeux, je saurais à mon cœur si j’ai eu le bonheur de servir à alléger votre peine.