Voyez ce vanneau aller, la coquille sur la tête!

Accéléré

Descente en voiture - sans arriver à partir tôt, trop de sommeil en retard. Du coup, avancée en accordéon les 100 premiers kilomètres, puis ça s’est dispersé au gré des bifurcations d’autoroutes. Arrivée en début d’après-midi, le dos cassé, sans avoir croisé personne dans les derniers lacets de côte de départementale : Paulo, Marylou sont partis s’occuper des bêtes, vraisemblablement. Allongé dans l’herbe, rompu de fatigue, je prends mon premier bain de soleil en les attendant. Je suis las, vanné et ne parviens pas à me reposer, pourtant. Je ressens le bosselé du sol, les mottes d’herbe touffues. L’immobilité vite incommode, quel que soit la position - et de repenser à cette faculté, plus jeune, de pouvoir m’endormir n’importe où ! Combien de siestes faites au même endroit. Et là, allongé, délivré de la route, l’effort de concentration de la longue conduite se relâchant enfin, voilà : je n’y arrive plus. Je vieillis, n’est-ce pas, et ce qui était facile avant, qui se faisait sans même y songer, à présent demande des efforts, se paie. Le gâtisme de la fatigue - le gâtisme tout court. Mon corps flétri, ma tête creuse. Je viens les mains vides, sans histoire à raconter. Seul, esseulé, seulant. Les ressassements moroses me suivent donc jusqu’ici ? Que dire de ma présence : les mêmes lieux qu’enfant, le même choix de destination de congés depuis toujours. La demi-vie d’un bovin - je suis moins qu’humain. Avec mon attachement indéfectible pour ces lieux, je ressemble à ces maniaques enfermés dans leur rituel, tentant de reproduire leurs premiers et indépassables instants de plaisir. Un pèlerinage pour conjurer le temps, pour espérer un miracle ? Et encore, encore, encore… Emballement de pensées allant toujours au pire. C’est l’hémorragie, la débâcle. Le visage enfoncé dans les touffes, les paupières mouillées pas seulement d’éblouissement, j’ai déjà tué dans l’œuf l’euphorie d’être enfin là avec quelques jours de liberté devant soi.
Et puis merde à tout ça, toutes ces conneries. Je m’arrache d’un grognement, je rejoins la cour, et Paulo, Marylou, Lucie et, tiens ! Aurélie, sont revenus, assis sur les chaises de jardin, qui bière qui tasse de thé à la main - exclamations de surprise, questions, les dernières nouvelles, tu veux quelque chose à boire ? Et j’ai ensuite passé d’excellentes et trop courtes vacances.